lundi 26 janvier 2009

Education Thérapeutique du Patient : une approche différente


Dans un précédant message nous avions introduit la notion d'Education thérapeutique du patient(Etp).De nombreux experts parmi lesquels R. Gagnayre et J.F d'Ivernois s'accordent sur le fait que l'Etp nécessite une approche pédagogique spécifique. La Haute autorité de Santé à édité un guide méthodologique et des documents relatifs à l'Etp.

L'Etp aujourd'hui reconnue pour être un réel acte de soin, suscite néanmoins des interrogations et réflexions auxquelles nous souhaitons associer les lecteurs de ce blog. Nous la présentons dans son intégralité:

*

A propos des recommandations émises par la Haute Autorité de santé… Février 2008

"La Haute Autorité de santé (HAS) et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) ont publié en 2007 un guide méthodologique intitulé « Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques ».

Ce guide est assorti de trois fiches de recommandations professionnelles, signées de la seule HAS. Par la présente lettre ouverte, nous souhaitons exprimer publiquement nos réserves quant au contenu de ces documents.

Impliqués depuis de nombreuses années dans le soutien au développement de l’éducation thérapeutique, à travers nos pratiques professionnelles et nos travaux respectifs de formation et de recherche, nous nous sommes d’abord réjouis à l’annonce de l’initiative prise par la HAS et l’INPES de rédiger des recommandations dans ce domaine, qui plus est en privilégiant un abord transversal, commun à toutes les maladies chroniques, plutôt qu’une approche spécifique pour chaque pathologie. Cette publication devait répondre à un besoin exprimé par tous les professionnels qui œuvrent dans ce champ, tant en ville qu’à l’hôpital.

Certains d’entre nous ont d’ailleurs contribué à l’élaboration du guide méthodologique, par leur participation aux groupes de travail ou de lecture. Ils ont ensuite refusé que leur nom figure sur le document parce qu’ils étaient en désaccord avec la version finale. D’autres n’ont eu connaissance du document qu’après sa diffusion et le désapprouvent également. Cela mérite quelques explications.

Nous sommes en désaccord avec ces publications parce qu’elles ne mettent en évidence qu’une partie de la problématique des personnes atteintes de maladie chronique et ne proposent, en réponse, qu’un seul modèle d’éducation thérapeutique.

Au plan théorique, des recommandations émises par la HAS devraient reposer sur un argumentaire solidement étayé. Or l’analyse critique des données actuellement disponibles n’apparaît pas, du fait de la référence quasi exclusive à la pédagogie et aux théories de l’apprentissage. Les écrits émanant de disciplines telles que la psychologie de la santé, la psychologie sociale, l’anthropologie, l’ethnologie, la communication, l’éducation pour la santé la sociologie ou la philosophie ont été ignorés. A titre d’exemple, les questions éthiques, la relation soignant/soigné, les notions d’accompagnement, d’empowerment ou de counseling ne sont qu’effleurées voire absentes du document alors qu’elles occupent une place importante dans la littérature relative à l’éducation du patient depuis une dizaine d’années au moins. Plus encore, certaines de ces notions sont interprétées de manière restrictive et inadéquate avec les fondements éthiques de l’éducation thérapeutique.

Au plan pratique, un seul modèle d’éducation thérapeutique est présenté, fondé sur l’enchaînement d’un diagnostic éducatif réalisé par les professionnels, d’un programme d’apprentissage et d’une évaluation des compétences acquises par le patient. Ce modèle n’est pas le seul utilisable en pratique professionnelle et il n’est pas toujours adapté, compte tenu de la diversité des patients et des situations. Il ne reflète pas les différentes démarches éducatives existantes, notamment précisées par l’Organisation mondiale de la santé en 1998. En particulier, les dimensions psychologiques et sociales, qui sont des éléments constitutifs de la santé et de l’éducation, n’apparaissent ici que sous la forme de compétences à acquérir par le patient, ce qui est extrêmement réducteur. Si l’ambition de l’éducation thérapeutique est d’accroître l’autonomie du patient et sa qualité de vie avec la maladie, les moyens d’y parvenir ne peuvent être définis que conjointement par le patient et les soignants. Cela nécessite une approche ouverte : les soignants doivent, avant tout, apprendre à écouter les préoccupations et les aspirations du patient, de façon non sélective, et convenir avec lui des modalités de traitement et d’accompagnement les mieux adaptées. La démarche éducative ne peut pas se réduire à la mise en place de séquences pédagogiques.

Par ailleurs, si l’éducation thérapeutique « fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient », comme cela est et mentionné à la*préconisé par l’Organisation mondiale de la santé page 8 du document de la HAS, pourquoi ne serait-elle mise en œuvre que par périodes (programme initial, séances de renforcement ou de reprise) ? Pourquoi faudrait-il convaincre le patient d’y participer ? Et que se passerait-il s’il refusait de le faire ? Si le patient vient consulter un professionnel réellement formé à l’éducation thérapeutique, il devrait nécessairement en bénéficier de la même façon qu’il bénéficie par exemple d’une prise en charge médicale ou de soins infirmiers appropriés. Le « programme » est alors un ensemble cohérent d’activités mises en œuvre de façon continue. L’éducation thérapeutique n’est pas un traitement que l’on prescrit, ni une vaccination avec des injections de rappel.

En présentant un modèle unique, les recommandations de la HAS occultent d’autres cadres de compréhension des personnes malades et d’autres façons de pratiquer l’éducation thérapeutique. Elles risquent ainsi de rendre difficiles des expérimentations qui n’entreraient pas dans ce cadre et qui seraient pourtant nécessaires si l’on veut résoudre les problèmes auxquels le cadre proposé n’apporte pas de solution (l’approche des publics socialement fragilisés par exemple). Emanant de la HAS, ces recommandations risquent de faire autorité dans les milieux de santé français, voire francophones. Elles risquent ainsi de mettre en danger le travail de certaines équipes qui ne pourront plus se réclamer de l’éducation thérapeutique du patient. Elles risquent également de favoriser le développement d’actions toutes conçues sur le même modèle, modèle dont les limites sont pourtant déjà connues.

Nous souhaitons que ce document soit reconnu pour ce qu’il est : une synthèse intéressante et utile des apports de la pédagogie à l’éducation thérapeutique. Nous souhaitons que d’autres recommandations viennent compléter ce premier travail, intégrant les apports d’autres disciplines, prenant en compte d’autres façons de pratiquer l’éducation thérapeutique et proposant d’autres modes de compréhension et d’accompagnement des personnes atteintes de maladie chronique. Nous sommes bien sûr volontaires pour contribuer à leur élaboration.

Nous invitons les personnes que le guide méthodologique et les recommandations de la HAS interpellent ou préoccupent à nous faire part de leur point de vue, à enrichir le débat et à diffuser largement cette lettre ouverte."

*

Il ne s'agit pas pour "Santé et Pédagogie" d'alimenter une polémique, mais de permettre à tout un chacun d'enrichir sa lecture et aiguiser son esprit critique.

3 commentaires:

Bert a dit…

Je crois qu'il ne s'agit pas de polémique autour du guide de la HAS: le texte de Gagnaire & d'Yvernois met en évidence un état d'esprit et des précautions pédagogiques remarquables, dont on se réjouirait que la démarche soit reprise très largement.
L'HAS a voulu simplifier, faire des "fiches": on est très vite réducteur, dans cette approche-là.
Merci de nous mettre en garde! BERT

Anonyme a dit…

Pégagogie de la santé
Pédagogie de la guérison
Pédagogie de la maladie

On pourrait s'y perdre un peu?

Surtout que tout bien-portant est un malade qui s'ignore, comme dit Knock!
Ya de quoi faire et Bravo d'attaquer la question

Valérie Dévé a dit…

Qui êtes-vous ? Knock: j'adore!!!